LA MAISON SOUS LE CHARME
Nouvelle de Gérard MOREL parue dans le N° 2870
de l’hebdomadaire NOUS DEUX (2 Juillet 2002)
En voyant le crépuscule recouvrir lentement la campagne normande, Julie de Saint-Cère comprit qu’il allait lui falloir interrompre sa course désespérée. Elle s’était enfuie à l’aube de son domaine et, en dépit du chemin parcouru, elle avait encore si peur d’être rattrapée par les Révolutionnaires qu’elle aurait volontiers continué de chevaucher sa jument. Mais l’animal semblait épuisé et Julie admit qu’il fallait lui accorder quelque repos, ne serait-ce que pour pouvoir repartir demain dès l’aube et s’éloigner encore davantage du château de Saint-Cère.
En cette période sanglante que l’on commençait à surnommer la Terreur, nombreux étaient les aristocrates qui se voyaient livrés à la guillotine, après avoir été trahis par des voisins rivaux, des serviteurs aigris, voire par les plus perfides de leurs amis.
Monsieur et Madame de Saint-Cère, qui se croyaient appréciés de leur entourage et donc protégés de telles trahisons, allaient payer de leur vie cette naïveté. Un mois plus tôt, ils avaient été dénoncés comme traîtres à l’intérêt du peuple et envoyés devant le Tribunal Révolutionnaire pour y être jugés. Or, le verdict de ce tribunal-là ne variait guère : tous les accusés en sortaient condamnés à mort…
Seule, leur fille Julie avait réussi à s’enfuir, avec l’aide de Landry, l’un des jardiniers de la baronnie de Saint-Cère. La mère de Landry avait accepté d’héberger Julie quelques jours, mais elle lui avait fait comprendre hier que sa présence finirait bien par être remarquée et pourrait attirer sur eux de graves ennuis. Ce matin, Julie avait donc résolu de quitter leur chaumière…
La jeune fille sauta à bas de sa jument lorsqu’elle se vit à l’entrée du bourg de Damville. Sans trop savoir pourquoi, elle sentait ce village rassurant. Bien qu’elle ne s’y soit jamais aventurée par le passé, elle avait l’impression d’en reconnaître la place principale, bordée de maisons à colombages.
-J’y resterai jusqu’à demain, décida-t-elle. Ici du moins, rien ne risquera de m’arriver…
Elle demanda à trois paysannes s’il se trouvait un aubergiste aux alentours, ce qui les fit sourire :
-Par chez nous, il n’y a plus assez d’or pour faire vivre une auberge, damoiselle ! Mais vous pourriez vous loger chez le père Jestin. Il possède une grosse ferme et ne refuse jamais d’aider les chrétiens, moyennant une petite pièce. Allez le trouver, il habite sur les berges de l’Iton, la Maison sous le charme.
Julie n’eut aucune peine à reconnaître la ferme du père Jestin. Au bord de la rivière, c’était une belle demeure à l’aspect solide, avec sept fenêtres en façade. En revanche, elle ne possédait qu’un étage, de sorte qu’elle paraissait plus basse que les autres maisons de Damville, presque écrasée par l’ombre du charme centenaire qui la dépassait.
Habituellement, Julie aimait regarder les arbres, pourtant elle frissonna en voyant celui-ci.
-Je deviens décidément par trop impressionnable, se gronda-t-elle. Il est vrai que la période sanglante et tragique que nous traversons ne peut que nous rendre plus sensibles.
Malgré elle, elle ne pouvait observer ce charme immense, aux branches puissantes, sans éprouver une peur imprécise, aussi angoissante qu’un très vieux souvenir. Elle dut faire un effort pour s’obliger à descendre de sa jument et aller demander l’hospitalité au père Jestin. Dès que cet homme entrouvrit sa porte, pourtant, elle jugea ses appréhensions plus ridicules encore, car il avait un bon sourire protecteur.
-Vous voulez donc vous loger, soupira-t-il.
-Oui, acquiesça Julie. J’ai de l’argent pour régler ma pension si vous me permettez de dormir chez vous cette nuit.
-Et demain, interrogea le vieil homme.
Julie eut un geste fataliste :
-A notre époque, rares sont ceux qui restent sûrs d’être vivants demain. Mais je préfère vous avouer que je repartirai très vite, sans doute.
Le père Jestin ne lui demanda pas où elle se rendait. Il avait dû remarquer à ses manières, comme à sa façon de s’exprimer, qu’elle était une aristocrate, et il ne voulait pas la gêner par des questions indiscrètes.
Sans doute avait-il même pitié d’elle, car il lui fit signe qu’elle pouvait loger chez lui :
-Je vais vous servir une assiette de soupe et une tranche de lard, ajouta-t-il.
Elle lui sourit en le suivant vers la maison mais, à l’instant de passer le seuil de la porte, qui était abrité par les plus grosses branches du charme, elle sentit sa gêne ou sa frayeur augmenter. Et il lui fallut user de toute sa volonté pour dissimuler sa répulsion au père Jestin, qui n’aurait pu comprendre.
Le vieil homme la fit entrer dans sa cuisine :
-Reposez-vous, vous paraissez épuisée par votre chevauchée. J’ai remarqué que vous étiez seule, sans bagages, et j’en déduis que vous fuyez. Je ne vous poserai aucune question, mais sachez seulement que je puis vous aider en vous présentant dès demain le neveu d’un voisin, Frédéric Dilliès. Dans quatre jours, il ira livrer des herbes et des légumes au marché de Conches et accepterait de vous y emmener, en toute discrétion. Vous pouvez vous fier à ce garçon. Il est de ceux qui ne posent jamais de questions. Il sait que les réponses viennent toujours d’elles-mêmes.
Et, comme Julie acceptait l’aide spontanée de cet inconnu, le père Jestin s’interrompit pour lui servir la soupe promise.
Une heure plus tard, épuisée par sa chevauchée, elle montait se coucher. Mais en entrant dans sa chambre, elle eut l’impression fugitive de retrouver un lieu où elle avait déjà vécu.
-C’est étrange, confia-t-elle à son logeur, je m’attendais à ce qu’il y ait une cheminée face à la fenêtre.
Jehan Jestin hésita un instant, avant de répondre :
-Je me demande bien qui a bien pu vous informer de ce détail. En effet, la cheminée était là. C’est mon grand-père qui l’a fait enlever et détruire, à cause du drame qui s’était déroulé ici… Il me faut vous dire qu’à l’automne 1693, c’est dans cette maison qu’avait été arrêtée et interrogée Charlotte, celle que l’on surnommait la Belle Lavandière et qui restera comme la dernière sorcière de Damville. Un homme l’avait dénoncée, il prétendait l’avoir vue agenouillée au lavoir, après la tombée de la nuit, en train de lessiver le linge du diable. Les gens de Damville ont alors réfléchi que Charlotte était la plus fortunée des lavandières, la plus belle aussi, et ils ont voulu croire à ce qu’affirmait la dénonciation. La malheureuse a été séquestrée dans cette maison, où on l’a torturée face à la cheminée pour lui faire avouer ses rendez-vous amoureux avec le diable. Elle a nié de toutes ses forces, mais cela ne pouvait pas suffire pour qu’on la croie. Et les gens du village l’ont pendue à la grosse branche du charme qui est devant chez moi. Plus tard, ils ont découvert que la fortune de la Belle Lavandière lui venait tout simplement de la générosité de l’évêque d’Evreux, qui était son amant. Ils l’ont compris parce que l’évêque, en apprenant le sort réservé à sa maîtresse, s’est senti coupable et lâche d’avoir entretenu cette liaison secrète et il s’est pendu au même arbre, à la pleine lune suivante. C’est une histoire fort belle et bien triste. A Damville, plus personne ne voulait de cette maison, on y redoutait autant les maléfices du diable que la vengeance de la Charlotte. Mon grand-père l’a achetée pour quelques écus, et il a détruit la cheminée afin de ne pas être importuné par le souvenir de la défunte.
Julie frissonna :
-C’est terrifiant, j’ai l’impression d’avoir toujours connu cette histoire. A-t-on découvert le nom de celui qui avait dénoncé la Belle Lavandière ?
-C’était le tonnelier du bourg. Il aimait Charlotte, il lui avait offert de l’épouser et avait été humilié de découvrir qu’elle lui préférait une liaison clandestine avec un homme d’église. Bref, il ne supportait pas qu’elle lui échappe. On l’a d’ailleurs retrouvé noyé, au printemps suivant, comme s’il ne pouvait effectivement pas survivre à la Belle Lavandière. A moins qu’il ait été emporté par ses remords, mais j’en doute…
Julie avait beau compatir au drame survenu à la pauvre Charlotte, elle se sentait tout aussi indulgente envers son bourreau, victime lui aussi d’une passion impossible à satisfaire :
-Son suicide prouve à quel point il était amoureux. Désespérément épris. Et puisqu’il aimait tellement Charlotte, je veux espérer que son crime lui sera pardonné, au jour du Jugement dernier.
Etrangement d’ailleurs, la dénonciation faite par le tonnelier lui rappela une réflexion bizarre de Landry, le jardinier qui l’avait aidée à s’enfuir et hébergée. Le premier soir où elle avait dormi chez lui, il avait voulu l’embrasser et, comme elle était trop désespérée, trop lasse pour le repousser, il s’était ensuite exclamé :
-Du moins ces journées tragiques auront-elles eu le mérite de nous rapprocher. Sans cela, tes parents t’auraient fiancée au fils d’un de leurs cousins et tu te serais éloignée à jamais, sans que je connaisse le goût de tes lèvres, sans que tu soupçonnes même que moi le modeste jardinier, je t’aimais à la folie…
Julie eut brutalement l’intuition que c’était lui qui avait dénoncé ses parents et causé leur mort, pour rien, juste pour s’approprier ses baisers un bref instant. Mais malgré la cruauté et l’absurdité d’un tel geste, elle ne pouvait même pas ressentir de haine contre Landry : tout au plus éprouvait-elle désormais un immense mépris envers lui et envers tous ceux qui profitaient de ces périodes de terreur pour s’abandonner à leurs désirs les plus cupides, les plus lâches, les plus cruels.
Depuis l’arrestation subite de ses parents, elle avait trop pleuré, elle s’était trop révoltée pour ne pas acquérir une sorte de sagesse résignée face aux instincts des hommes. Du moins ces gens-là serviraient-ils à mettre en lumière les rares gestes généreux qu’elle apercevrait au cours du temps qu’il lui restait à vivre.
Sans le connaître encore, elle pensait déjà à Frédéric Dilliès, le garçon qui la conduirait jusqu’à Conches. Le père Jestin avait confiance en lui et cela suffisait pour qu’elle se sente en sécurité à ses côtés. A cette perspective, elle parvint à s’endormir, tout en oubliant ses drames personnels pour rêver du sort de la Belle Lavandière…
Un tendre soleil humide baignait Damville le lendemain, lorsque Julie s’éveilla. Le père Jestin était sorti nourrir ses cochons mais il avait laissé sur la grande table en noyer une jatte de lait et deux tranches de pain, que Julie dévora avec une faim nouvelle, une faim qu’elle éprouvait depuis qu’elle était en fuite et qu’elle n’était jamais sûre du prochain repas.
Elle achevait de déjeuner lorsque Frédéric entra. Immédiatement, elle sut que c’était lui, tant il ressemblait à l’image qu’elle s’en était faite. Grand, vigoureux, avec un regard timide mais franc, il lui inspira aussitôt un sentiment proche de la complicité. A son tour, elle lui sourit…
-Le père Jestin m’a dit que vous aviez besoin d’aide, murmura-t-il.
Et cela suffit pour qu’elle lui raconte tout : l’arrestation de ses parents, leur condamnation prochaine et, depuis, sa propre fuite…
-Je pense comme vous que Landry vous aura trahie, admit-il. Parce qu’il vous aimait, ou parce qu’il est de ces hommes qui ont besoin de répandre la douleur pour se croire forts.
Il s’interrompit pour demander à Julie ce qu’elle ferait à Conches. Et, comme elle avouait qu’elle n’avait aucun projet précis, qu’elle cherchait seulement à s’éloigner le plus possible de la baronnie de Saint-Cère, Frédéric suggéra :
-Vous devriez plutôt attendre que je puisse vous conduire à Rouen, ainsi tenteriez-vous d’embarquer pour l’Angleterre. C’est le pari que font la plupart des aristocrates lorsqu’ils parviennent à fuir les prisons ou la guillotine. Je pourrais vous y emmener au matin de la Saint Blaise d’hiver.
Julie eut un geste de désarroi :
-J’ignore si le père Jestin consentirait à m’héberger aussi longtemps.
-Bien sûr que si, bougonna Frédéric, un peu gêné. A la manière dont il m’a parlé de vous, j’ai compris qu’il vous aimait déjà beaucoup. D’ailleurs, je vous imaginais exactement telle que vous êtes. Belle, avec des gestes nobles et le regard perdu.
-Vous vous exprimez bien, lui dit-elle.
Il eut un sourire embarrassé :
-Vous me trouvez trop distingué pour un garçon de la terre ? Sachez que j’ai fait des études au petit séminaire d’Evreux. Je devais devenir prêtre, selon la volonté de mes parents, mais lorsque la Révolution a atteint notre campagne, j’ai dû abandonner ces projets. Et à vrai dire, cela m’a plutôt satisfait. Car bien que je sois très chrétien, je me sentais trop attiré par les femmes pour être un prêtre digne. Voyez-vous, cette damnée révolution qui est la cause de vos malheurs, m’a retenu de sombrer peut-être dans le pêché. Comme l’évêque d’Evreux dont on maudit encore le souvenir par chez nous, parce que ses amours cachées ont causé la perte de la Belle Lavandière…
Cette allusion suffit pour décider Julie à demander :
-Comment trouvez-vous cette histoire ? Moi, je l’ai apprise hier et j’en suis restée tremblante.
Loin de sourire de cette sentimentalité, Frédéric avoua :
-Moi qui la connais depuis l’enfance, j’ai toujours été bouleversé par le sort infligé à Charlotte et à son amant. Ma mère me consolait en me répétant que, pendant que l’on se préparait à pendre Charlotte à la plus grosse branche de ce charme, tandis que le tonnelier l’insultait et la traitait de sorcière, d’autres villageois ont pris peur et ont juré qu’elle allait maudire tout le bourg. Alors, juste avant qu’on ne lui passe la corde au cou, elle a tenu à rassurer ces gens en jurant de ne pas les maudire. « Je reviendrai », a-t-elle promis, comme si c’étaient eux qui avaient besoin d’être apaisés. A cause des derniers mots de cette malheureuse, j’ai grandi en espérant toujours que l’histoire possédait une autre fin, et que les deux malheureux amants avaient réussi à échapper à la haine terrifiée des villageois…
Incapable de répondre, Julie se souvenait qu’à l’instant d’embrasser la mère de Landry, tout en la remerciant pour son accueil, elle avait prononcé les mêmes mots :
-Je reviendrai…
Lorsqu’elle avait parlé ainsi, elle ignorait encore que Landry était probablement celui qui avait trahi ses parents. Elle ne voulait témoigner que sa reconnaissance à la vieille paysanne, mais celle-ci avait peut-être pris peur, surtout si elle connaissait le rôle tenu par son fils dans l’arrestation des barons de Saint-Cère.
-A votre avis, interrogea-t-elle, quand est-ce que Charlotte s’apprêtait à revenir ? Elle était ligotée, enchaînée et surveillée par la populace, comment aurait-elle pu espérer s’échapper ? C’était impossible. Elle n’a donc promis de revenir que pour apaiser ses propres bourreaux, …à moins qu’elle n’ait eu l’espérance de revenir au cours d’une autre vie, pour achever son histoire d’amour commencée avec l’évêque.
Il avait fallu beaucoup de courage à Julie pour évoquer une telle éventualité, aussi invraisemblable. Mais elle avait osé s’exprimer devant Frédéric parce qu’elle devinait qu’il ne se moquerait pas d’elle. Et, en effet, il réagit seulement par un léger sourire complice :
-Moi aussi, je me suis souvent demandé comment Charlotte aurait pu revenir. Et j’avoue être arrivé à la même conclusion que vous. Cela paraîtrait absurde à n’importe qui, bien sûr, mais personne ne maîtrise les secrets de la destinée. Et peut-être est-ce encore plus absurde d’imaginer qu’un amour sincère et véritable, tel que celui qui unissait Charlotte à l’évêque d’Evreux, puisse être saccagé par la jalousie, l’intolérance et le mépris.
Comme si ces derniers mots évoquaient pour eux des souvenirs obscurs, ils frémirent tous deux d’un même mouvement. Mais, loin d’être effrayés par ce qu’ils entrevoyaient, ils se rapprochèrent. A l’instant où Frédéric prit les mains de Julie entre les siennes, pour les réchauffer ou pour se rassasier de sa fraîcheur, ils éprouvèrent tous deux la même sensation de se connaître, et ils surent qu’ils s’étaient déjà aimés avant de se rencontrer ce matin pour la première fois.
-Croyez-vous que tous les couples se retrouvent ainsi, murmura Julie.
L’homme qu’elle aimait soupira :
-A mon avis, le destin n’offre une seconde chance qu’à ceux qui se sont vraiment aimés, de façon aussi passionnée que durable, et lorsqu’ils ont été séparés par la haine aveugle ou jalouse des autres. Ce qui a dû nous sauver, toi et moi, c’est que nous avons su rester dignes de notre amour. A aucun moment, Charlotte n’a douté de la passion de son évêque et elle a préféré se sacrifier plutôt que le dénoncer. Quant à lui, qui est arrivé trop tard pour la sauver, il aurait pu poursuivre son existence dans le confort que Charlotte lui avait laissé, mais il a préféré se pendre à une branche du charme parce que la vie sans elle ne l’intéressait plus. Et surtout, aucun des deux n’a maudit les autres, ils n’ont manifesté ni haine ni rancune envers le traître, pas plus qu’envers les villageois ni le destin. Non, ils étaient trop imprégnés de leur amour pour gaspiller leur énergie en agressivité ou en colère, et c’est sans doute cette générosité qui leur aura permis de franchir la mort pour revenir profiter dans une seconde vie du sentiment qui les unissait à jamais…
Vers midi, quand le père Jestin rentra, il les trouva tous deux assis devant l’âtre de la cuisine ; loin d’échafauder des plans d’évasion vers Rouen ou vers l’Angleterre, ils esquissaient leurs premiers projets d’avenir. Julie s’inquiétait de la réaction qu’aurait la famille de Frédéric, mais celui-ci affirmait :
-Même si mon père doit être étonné par la soudaineté de notre décision, il comprendra que je ne pourrais plus jamais être heureux, si j’étais de nouveau séparé de toi.
Le père Jestin s’assit parmi eux pour partager une tourte aux champignons mais, comme il en profitait pour rappeler à la jeune fille qu’elle était en fuite, Frédéric l’interrompit :
-Même à notre époque, personne ne soupçonnerait une aristocrate d’avoir épousé un modeste paysan. Ma fiancée restera donc à mes côtés, sous ma protection.
Et le jeune homme dut être convaincant car le père Jestin remarqua que, pour la première fois depuis son arrivée à Damville, Julie paraissait enfin rassurée…
Ils se marièrent au soir de la Saint Blaise d’Hiver. Et, en effet, personne ne soupçonna jamais l’humble épouse de Frédéric Dilliès d’avoir été la fille des barons de Saint-Cère, après avoir peut-être été dans une autre vie la Belle Lavandière.
Sept ans plus tard, alors que la révolution était achevée, Julie apprit que Landry, celui qui avait dénoncé ses parents, s’était noyé en apprenant sa disparition. Elle se contenta de le plaindre, tout comme elle avait plaint le tonnelier qui avait trahi Charlotte et qui avait péri de la même façon. Elle était d’ailleurs assez généreuse pour lui souhaiter de connaître enfin un amour partagé, au cours d’une prochaine vie…
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