CARNAVAL A QUEBEC
Nouvelle de Gérard MOREL parue dans le N° 3112
de l’hebdomadaire NOUS DEUX (20 Février 2007)
Tous ceux qui ne sont pas nés à Québec laissent échapper un sourire lorsqu’ils entendent mon nom pour la première fois. C’est pourquoi je préfère le mentionner tout de suite, pour que vous preniez le temps d’en rire. Après, vous aurez l’esprit plus disponible pour m’écouter. Je m’appelle Sébastien Bellehumeur. Bellehumeur, tout comme Brindamour ou Sansregret, ce sont des noms très fréquents par chez nous, aussi ne font-il sourire que les étrangers francophones.
Moi, cela ne m’a jamais vraiment amusé, et surtout pas lorsque j’ai sombré dans une douloureuse dépression, à la suite du départ de Bérengère. Bérengère, c’était ma blonde, la femme que je m’étais choisie, et que j’avais même réussi à épouser. Elle était belle comme un printemps qui durerait plus d’un semaine, et fraîche comme l’eau du torrent au moment de la fonte des neiges. Elle avait tellement de qualités que j’avais conscience de ma chance avant même qu’elle ne m’abandonne.
Ensemble, on a été heureux durant sept ans, le temps de s’acheter une maison dans le beau quartier du Petit Champlain, et de se promettre plusieurs enfants. D’ailleurs, peu à peu, Bérengère ne semblait vivre plus que dans l’attente d’être enceinte. Et comme cela n’arrivait pas, il a bien fallu qu’on se soumette aux examens des médecins. Le verdict a été aussi impitoyable que définitif : tout était de ma faute, je ne pourrais jamais être père.
N’essayez pas d’avoir pour moi de la compassion, face à une telle épreuve, car personne ne peut imaginer la souffrance que cela représente, de savoir que jamais on n’aura d’enfant. Et pire encore, que l’on ne pourra pas offrir ce bonheur à la femme de sa vie.
Tandis que je cherchais comment consoler Bérengère de cette frustration, elle m’avoua qu’elle désirait plus que tout devenir mère, de sorte que, malgré nos sept belles années d’amour, elle n’hésitait pas à me quitter.
Bref, en moins d’une saison, j’ai perdu tout à la fois la femme que j’aimais et l’enfant que j’aurais pu aimer. Comme dit ma Tante Adélie, qui est la plus douce et la plus superstitieuse des femmes, il semblait bien qu’un corbeau avait étendu son aile noire sur mon destin.
Dans ces moments-là, on regrette plus encore de s’appeler Bellehumeur, car forcément on croise sur son chemin tous les niaiseux du Québec, qui s’étonnent de votre triste mine et se croient drôles d’ajouter :
-Bellehumeur, qui t’a mis de mauvaise humeur ?
J’en étais arrivé à ne plus sortir que pour mon travail, mais même mon métier ne me distrayait plus, et pourtant c’est une activité que je me suis choisie, et qui me passionne, puisque je crée des logos pour les entreprises. Ce qui m’oblige à visiter chaque société, m’informer de ses objectifs et surtout de la clientèle qu’elle vise à atteindre. Ensuite, je résume tout dans un logo qui doit être assez attractif pour capter l’attention du public. Oui, comme disent tous ceux à qui je parle de mon métier, « C’est passionnant ». N’empêche que le soir, quand je remontais l’escalier Casse-Cou (le bien nommé !) pour rentrer chez moi, dans la maison trop grande que ma femme m’avait laissée, comme en signe de pitié, rien ne me faisait oublier notre ancien bonheur. Celui qui était définitivement perdu. D’ailleurs, nous autres à Québec, c’est toujours sur les bonheurs enfuis qu’on s’émerveille. Mais c’est peut-être pareil chez vous ?
Pour n’être pas tenté de chercher l’oubli dans l’alcool de bleuet, j’allais souvent chez Tante Adélie déguster un ragoût de pattes de cochon ou du jambon au sirop d’érable. Tante Adélie est une femme extraordinairement aimante, qui m’a servi de mère quand la mienne est partie derrière un chasseur.
Entre l’âge de sept ans et celui de dix-huit ans, je crois avoir infligé à Tante Adélie tout ce qu’un jeune gars peut inventer pour attirer l’attention des adultes. Et cependant, jamais elle ne s’est encolérée contre moi, au contraire elle semblait avoir déjà compris qu’elle était la seule en qui j’avais confiance, la dernière adulte que j’aimais. Son unique défaut est de se montrer terriblement superstitieuse. Par exemple, jamais Tante Adélie n’a ouvert son courrier un Vendredi 13, de crainte d’y apprendre de trop mauvaises nouvelles. Longtemps je me suis amusé de ces frayeurs qu’elle avait conservées de son enfance, mais aujourd’hui je n’y fais même plus allusion. Puisque c’est aux superstitions de ma tante que je dois d’avoir retrouvé un certain goût du bonheur.
En effet, je me morfondais sous le désespoir et de nostalgie, j’avais « le cœur dans l’eau », comme on dit par chez nous, jusqu’à ce soir du 14 Janvier où Tante Adélie m’a invité à célébrer le début du carnaval d’hiver, avec mes autres cousins. C’est quelques heures avant le dîner que ma tante, en recomptant ses fourchettes à dessert, s’est aperçue que nous serions treize à table.
-Et il est presque 17 heures. Où vais-je trouver quelqu’un à inviter ?
Evidemment, il ne serait pas facile de trouver une personne seule et disponible en ce soir de Carnaval. Mais il aurait été encore plus difficile de persuader Tante Adélie de mettre la table pour treize personnes. Je ne voulus même pas essayer, et d’ailleurs ma Tante conclut toute seule, avant même que l’on ait parlé :
-Si seulement nous étions à la belle saison, je pourrais organiser une dînette dans le jardin et faire manger dehors trois ou quatre personnes. De sorte que nous ne serions plus treize à la table principale. Mais en ce damné temps de gel…
Je ne voyais guère de volontaires pour aller dîner dehors, et même ma tante admit qu’il lui fallait trouver en toute hâte un invité supplémentaire. Evidemment, elle partit aussitôt s’asseoir sur son fauteuil à bascule favori, avec le téléphone dans une main et son carnet d’adresses dans l’autre.
A la voir installée ainsi, on devinait qu’elle allait déranger la moitié du Québec pour se trouver un quatorzième invité. Et moi qui la connaissais bien, je savais déjà qu’elle y parviendrait.
En effet, vingt minutes plus tard, elle poussait un cri triomphal. Avant de venir m’expliquer qu’elle s’était souvenue de Letizia Cortès, la cousine espagnole de Jean Marsupier, qui était en vacances chez lui.
-D’ailleurs, sourit Tante Adélie, non seulement cette femme nous sauve du malheur de se retrouver treize à table, mais en plus elle sera ravie de ne pas commencer seule le carnaval d’hiver. Tu vois bien que grâce à moi, le bonheur des uns fait le bonheur des autres… !
Chaque fois que ma tante réussissait à faire respecter l’une de ses superstitions, elle rayonnait comme si elle avait reçu une promesse de bonne fortune. Moi, je suis un peu trop voltairien pour partager ses convictions, mais pour ne pas lui gâcher sa joie, je ne répondis pas.
J’avais raison. Car une heure plus tard, lorsque Letizia Cortès sonna à la porte de ma tante et que j’allai lui ouvrir, j’eus à mon tour la conviction qu’en effet, cette brune-ci allait nous porter chance.
A moi, tout au moins… !
Il faisait si froid ce jour-là que Letizia en avait les pommettes rougies, ce qui faisait ressortir son teint clair, et le vert de ses yeux, sous sa chevelure sombre. On dit souvent par chez nous que le froid va bien aux femmes, il les rajeunit en tirant sur leur peau. Et sans doute est-ce vrai, car Letizia me parut dès ce jour-là incroyablement belle. Mais même lorsqu’elle se fut assise et réchauffée devant la grande cheminée de Tante Adélie, il me fut facile de constater qu’elle restait tout aussi belle. Une femme comme elle n’avait pas besoin des charmes de l’hiver pour s’épanouir.
D’ailleurs, il suffit qu’elle s’installe devant le feu de bois pour qu’en quelques instants, tous mes cousins viennent s’asseoir en demi-cercle autour d’elle et se bousculent pour lui offrir en apéritif un verre de « caribou », cette boisson typique qu’on prépare en faisant macérer dans du vin rouge quelques fruits, du whisky et du sucre d’érable. Ils ne regardaient plus que Letizia. Tout comme moi.
Elle, elle ne s’adressait qu’à Tante Adélie, pour la remercier de son invitation, lui dire combien elle était heureuse de venir dîner chez de vrais québécois.
J’en profitai pour lui demander si elle venait fréquemment au Québec, mais elle haussa négativement la tête :
-Pas du tout. Je vis en Espagne. Mais une partie de ma famille s’est installée à Québec depuis près d’un siècle. Les Marsupier. Pour rester en relations, nous échangeons des faire-part de mariage et des cartes de vœux. Certains d’entre eux sont venus chez moi, à Tolède, parce qu’ils voulaient connaître la ville de leurs ancêtres.
Elle sourit avant de nous expliquer :
-…J’ai décidé de venir à Québec dès que j’ai vu des photos du carnaval. J’aime beaucoup le carnaval, c’est même la fête que je préfère. Chaque année, je pars le célébrer dans une ville différente. A Nice, à Venise, à Rio de Janeiro, etc…
Mes cousins se mirent à hurler. Comment avait-elle pu participer à tant de carnavals avant de venir assister à celui de Québec ? C’était pourtant le mieux ! Plus sérieusement, je voulus expliquer à Letizia que les autres carnavals remontent au Moyen Age, ils sont issus de traditions qui permettaient aux gens de se libérer de leurs pulsions interdites ou secrètes, durant trois jours d’exutoire, où tout était possible grâce aux masques que chacun portait. Alors que le carnaval de Québec ne date que de 1955, c’est une fête joviale, qui n’a pas d’autre but que de permettre à tous de vivre une trêve fraternelle et joyeuse, pour oublier un temps les rigueurs de l’hiver.
-Vous verrez, conclut mon petit cousin Jonathan, vous y reviendrez l’année prochaine.
Letizia nous écoutait en riant de notre chauvinisme. Et moi, à la voir si heureuse de découvrir le Québec, j’étais bien content d’être québécois.
-Votre mari ne vous a pas accompagnée, fit semblant de s’étonner Laurent, mon filleul qui n’a appris qu’à séduire les filles.
J’étais un peu agacé qu’il ait posé une question aussi directe, mais bon, j’attendais quand même la réponse avec intérêt, vous me comprenez…
Malheureusement, Letizia ne répliqua pas. Au contraire, elle parut si gênée que, pour la sortir d’embarras, je lui demandai à voix forte si elle avait trouvé quelqu’un susceptible de la guider, et je crus mourir de joie quand je la vis ouvrir de grands yeux étonnés pour répondre que non :
-Je voyage toujours seule, ajouta-t-elle avec une pointe de fierté. Cela me permet de visiter les carnavals à mon rythme, en prenant mon temps pour observer ce qui me plaît.
Evidemment, elle n’avait pas tort. Mais parce que Letizia était belle, et surtout qu’elle inspirait l’envie de la revoir, je fis semblant de m’effrayer pour elle. Je prétendis que le carnaval de Québec comptait parmi les plus importants du monde, et qu’elle risquait de s’y perdre, ou du moins de ne pas voir ce qu’il recelait de plus pittoresque.
Elle se montra désolée :
-Zut, répéta-t-elle, personne ne m’avait prévenue, même à l’agence de voyage où j’ai fait mes réservations. Et maintenant, bien sûr, il sera trop tard pour trouver un guide.
Tante Adélie entra aussitôt dans mon jeu. J’aurais dû vous préciser que ni sa bonté naturelle ni sa crainte des mauvais présages ne la retiennent de commettre un petit mensonge lorsqu’il s’agit d’aider l’un de ses neveux.
Aussi s’écria-t-elle :
-Oh, après tout, mon grand Sébastien pourrait bien vous servir de guide, si vous le lui demandez. Il participe chaque année à toutes les festivités du Carnaval d’hiver. C’est sa fête préférée, à lui aussi. N’est-ce pas, Sébastien ?
Grâce à Tante Adélie, il ne me restait plus qu’à accepter de servir de guide à Mademoiselle Cortès, en prenant l’air poli que l’on adopte pour rendre service.
-Vraiment, vous voulez bien, murmura Letizia.
Avec le charmant sourire qu’elle me dédiait, j’aurais pu l’escorter à pied jusqu’à Vancouver.
Sans même répondre à sa question, je dégrafai de ma chemise la broche de « Bonhomme » pour l’épingler sur le revers de son manteau. Si vous n’êtes jamais venu assister à notre carnaval, vous devez apprendre que « Bonhomme » en est la mascotte, c’est un bonhomme de neige, juste habillé d’une ceinture et coiffé d’une tuque. On le retrouve un peu partout dans les attractions du carnaval, mais son effigie souriante ou hilare, toujours complice, est vendue chaque année sous forme de broche à accrocher à la veste comme laisser-passer pour pouvoir participer au carnaval.
-Sinon, a rappelé Tante Adélie, vous serez considérée comme une profiteuse et enfermée dans le palais de glace.
Et comme Letizia souriait sans trop comprendre si ce palais constituait un lieu à visiter ou à éviter, je lui ai expliqué qu’on le construisait chaque année, à l’aide d’environ neuf mille tonnes de blocs de neige, juste pour punir les « resquilleurs » qui assistaient au carnaval sans avoir payé leur contribution.
Elle, elle n’avait pas à s’inquiéter, puisque je lui avais prêté mon propre « Bonhomme », aussi lui ai-je promis de lui montrer ce palais, que les hommes mettent environ deux mois à construire, face au Parlement de Québec.
Letizia s’est aussitôt préoccupée de mon sort :
-Mais vous, que risquez-vous, sans effigie ?
J’ai haussé les épaules. Chaque hiver, Tante Adélie achète une dizaine de représentations de Bonhomme, elle en donne à toutes ses amies, elle les collectionne aussi, et puis c’est sa façon de participer modestement au financement de la fête. Déjà, ma tante chérie glissait dans ma main une autre broche de Bonhomme tout en me murmurant vers la porte :
-Dès demain, tu feras découvrir le carnaval à Mademoiselle Cortès.
En même temps, elle ordonnait de se taire à mon petit cousin Vincent, âgé de douze ans, qui aurait bien voulu nous accompagner, et qui ne comprenait pas pourquoi je préférais être seul avec Letizia.
Je n’ai jamais autant apprécié l’hiver qu’en ce premier matin du Carnaval. Il faisait si froid que Letizia, bien que très protégée par un manteau, un chapeau et des gants, se blottissait instinctivement contre moi. Comme promis, je l’ai d’abord emmenée voir le palais des glaces, sur la place du Parlement. Elle paraissait émerveillée par les détails et raffinements portés à la construction de l’édifice. Même si l’on sait que le bâtiment ne survivra pas à l’hiver, nos gars suivent les plans conçus par l’architecte retenu, il y a donc un donjon, des tourelles, d’étroites fenêtres et tout ce qui peut stimuler l’imagination des touristes, ou des enfants.
Pour prolonger l’étonnement de Letizia, je l’ai conduite vers les sculptures sur glace. Réalisées par une quarantaine d’artistes venus de différents pays, elles avaient pour thème cette année-là la sorcellerie, ce qui aurait peut-être inquiété ma Tante Adélie mais fit beaucoup rire ma belle amie, visiblement moins superstitieuse. Au contraire, elle retrouva toute sa naïveté pour s’enthousiasmer :
-J’aime bien les gens qui font autant d’effort pour réaliser une œuvre qui est appelée à fondre dès les premiers beaux jours, me confia-t-elle à mi-voix, comme si déjà nous échangions des secrets.
Je lui répondis qu’à mon avis, ces sorcières avaient une espérance de vie trop courte pour ne pas réaliser un miracle si on le leur demandait gentiment.
-Vous êtes donc aussi superstitieux que votre tante, sourit ma visiteuse.
N’empêche qu’elle courut vers le buste de Merlin l’enchanteur et lui parla à l’oreille. Elle en revint avec les joues humides de givre, et je m’enhardis à lui glisser un premier bec dans le cou, sous prétexte de la réchauffer. Comme elle ne protesta pas, je me dis qu’elle avait peut-être demandé à Merlin de lui trouver un galant québécois.
Ce fut juste à cet instant où le bonheur nous faisait un clin d’œil, que son portable se mit à sonner. Et à la façon dont elle s’éloigna pour répondre, je compris que ce damné enchanteur de Merlin n’avait pas dû tout résoudre pour notre amour.
Quand elle revint, elle ne me dit pas qui l’avait appelé, elle se voulut tendre et frigorifiée comme avant, mais j’avais bien entendu ses derniers mots susurrés en raccrochant :
-…Oui, je serai très vite avec toi, prends patience.
Je n’en étais qu’à moitié surpris. Une aussi jolie femme ne pouvait pas être à la fois disponible pour moi et libre dans sa vie, ce serait trop beau, ce serait comme si le Saint-Laurent coulait sous le soleil de la Californie ! On n’a pas le droit de tout exiger de la vie.
Je décidai de me contenter de ce bonheur que Letizia m’offrait sans engagement, le temps d’un carnaval. De toute façon, j’étais trop heureux pour n’être pas un peu mélancolique, et je pris ma nouvelle belle contre moi pour la mettre à l’abri des « Knuks », ces damnés lutins aux chapeaux ridicules, toujours prêts à chahuter les touristes, surtout les trop jolies.
-Jamais je n’ai connu un homme protecteur comme vous, s’écria Letizia. Et pourtant…
Bien sûr, c’est juste à cet instant qu’elle se mit à pleurer.
Sans doute n’était-ce pas dû seulement à notre émotion mais aussi au rappel infligé par son coup de téléphone. Et avec déjà de la tristesse, je sus qu’elle allait tout me raconter, que je ne pouvais plus la retenir. Pourtant, moi, j’aurais préféré continuer à ignorer les secrets de Letizia. Car, sans avoir eu beaucoup d’expériences amoureuses, fidèle que j’avais été à ma Bérengère, j’ai toujours constaté que les secrets des femmes sont nos pires ennemis. Quand une blonde nous ment, ce peut être pour nous berner ou pour nous protéger, mais dans les deux cas, son secret est toujours désagréable à découvrir. Une femme ne dissimule jamais rien de bon, à part nos cadeaux d’anniversaire.
Pour retarder les aveux de Letizia, j’ai bien essayé de lui faire prendre la carriole décorée du carnaval, mais elle a refusé, tant elle avait envie de parler.
Et c’est ainsi qu’elle m’a avoué :
-C’est fou, je voudrais déjà revenir ici, et rester toujours auprès de vous, dans cet hiver qui contraste si bien avec la chaleur de votre famille, et la fantaisie de votre Tante Adélie. Et pourtant, je ne sais pas comment trouver ma place à vos côtés. Parce qu’à vous voir, tous, on sent bien que vos vies sont paisibles et sans histoires. Alors que pour moi, ç’a été si différent… Je n’ai pas connu mes parents. Et puis j’ai été abandonnée par mon ex-compagnon dès que je lui ai révélé que j’étais enceinte. Et maintenant, j’élève seule un petit garçon qui…
Là, je n’ai pas pu retenir un cri :
-Vous voulez dire que celui qui vous appelle sur votre portable, c’est…
-Oui, reconnut-elle. Il s’appelle David et il a cinq ans.
Ainsi, non seulement elle était belle, déjà éprise de notre pays de neige, et rien ne la retenait en Espagne, mais en plus elle allait m’offrir un gars tout fait, prêt à aimer.
Je poussai un second cri qui la fit s’étonner :
-Cela n’a pas l’air de vous effrayer… Généralement, les hommes s’enfuient en apprenant que…
Pour le coup, je la pris dans mes bras et je la fis tournoyer, en bégayant de bonheur que j’attendais avec impatience d’être présenté à son petit gaillard. Et puis, sans tenir compte de son étonnement, je l’ai embrassée. Et réembrassée. Puisque de toute façon nous avions au moins toute une vie pour échanger des confidences, des explications, et faire des projets qui passeraient par tous les carnavals du monde.
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